ACPR : Résilience et Croissance du Secteur Financier Français en 2024
En 2024, malgré une instabilité géopolitique persistante, le secteur financier français a plutôt tiré parti d'un contexte macro‑financier marqué par le reflux de l'inflation et la baisse des taux d'intérêt à court terme. Cette évolution a favorisé une reprise de l'activité, notamment dans la production de crédits, tout en contribuant à la maîtrise du coût du risque. Cette dynamique a renforcé la solidité globale du secteur et consolidé sa position stratégique à l'échelle européenne.
1. Chiffres Clés 2024 : Une Vision d'Ensemble
Les indicateurs de performance pour 2024 témoignent de la santé et du dynamisme des secteurs bancaire et assurantiel français.
- Secteur Bancaire :
- Ratio CET1 moyen : 16,1 % (fonds propres de base de catégorie 1)
- Évolution du PNB 2023‑2024 : +7,8 %
- Résultat net consolidé : 42 milliards € (+16,9 %)
- Total de bilan : 9 537 milliards € (+2,7 %)
- Secteur de l'Assurance :
- Ratio de couverture du CSR : 239 % (Capital de Solvabilité Requis)
- Résultat net : 21 milliards € (+5 %)
- Collecte nette record (Assurance‑Vie) : 22,8 milliards €
- Total de bilan : 2 972 milliards € (+3,3 %)
Ces chiffres illustrent une performance robuste, que nous allons maintenant analyser plus en détail для chaque secteur.
2. Performance et Solidité du Secteur Bancaire
La performance du secteur bancaire français est un baromètre essentiel de la santé financière continentale, son bilan représentant à lui seul 35 % de celui des banques directement supervisées par la Banque Centrale Européenne (BCE) dans le cadre du Mécanisme de Surveillance Unique (MSU). La robustesse du secteur en 2024 s'est manifestée par une reprise de la production de crédits, une rentabilité accrue et une maîtrise efficace du coût du risque, dans un contexte de conditions de financement plus favorables.
2.1. Indicateurs de Performance Clés
La performance du secteur bancaire en 2024 s'est traduite par une amélioration notable de ses principaux indicateurs financiers.
- Croissance et Rentabilité : Le Produit Net Bancaire (PNB) a connu une progression de +7,8 % pour atteindre 173 milliards d'euros, tirée par les activités de marché et les commissions, tandis que le résultat net consolidé a bondi de +16,9 % pour s'établir à 42 milliards d'euros.
- Efficacité Opérationnelle : Le coefficient d'exploitation s'est amélioré, reculant à 67,9 %, signalant une discipline de coûts efficace alors que les revenus augmentaient.
- Solvabilité et Liquidité : Les ratios prudentiels demeurent très solides, avec un ratio de fonds propres de base CET1 (Common Equity Tier 1) moyen de 16,1 % et un ratio de liquidité à court terme LCR (Liquidity Coverage Ratio) de 145 %, largement supérieurs aux exigences réglementaires.
2.2. Analyse du Risque de Crédit
Malgré une performance globale solide, la solvabilité des emprunteurs demeure un point de vigilance. Le rapport souligne une légère augmentation du taux de prêts non performants (NPL – Non‑Performing Loans), en grande partie liée à un phénomène de rattrapage post‑Covid. Cette tendance est visible pour les PME, où le taux de NPL est passé à 4,7 % (contre 4,4 % en 2023), pour l'ensemble des sociétés non financières (SNF) à 3,7 % (contre 3,6 % en 2023), et pour les ménages à 2,2 % (contre 2,1 % en 2023). Toutefois, le taux de NPL global du secteur (2,9 %) reste dans la moyenne européenne, témoignant d'une gestion du risque de crédit globalement efficace.
La solidité affichée par le secteur bancaire trouve un écho dans le dynamisme du marché de l'assurance, qui a également connu une année de croissance et de transformation.
3. Dynamiques du Secteur de l'Assurance
Le marché français de l'assurance a réaffirmé sa position de leader au sein de l'Union européenne, se classant au premier rang en termes de total de bilan. L'année 2024 a été marquée par une croissance significative du bilan, portée par la performance des marchés actions qui a favorisé les contrats en unités de compte. Cette dynamique, conjuguée à une rentabilité en hausse et à une collecte record en assurance‑vie, confirme la vitalité et l'importance stratégique du secteur.
3.1. Indicateurs de Performance Clés
Les métriques clés du secteur de l'assurance soulignent une performance solide, malgré un environnement de marché en mutation.
- Position de Marché : Le secteur confirme sa 1ère place au sein de l'UE avec un bilan prudentiel de 2 972 milliards d'euros, en hausse de +3,3 %.
- Solvabilité : Le ratio de couverture du Capital de Solvabilité Requis (CSR) s'établit à 239 %, un niveau très supérieur à l'exigence de 100 %. Cette légère dégradation de 11 points reflète une croissance des fonds propres qui n'a pas suivi le rythme de l'augmentation du capital de solvabilité requis, ce dernier étant tiré à la hausse par une exposition accrue au risque de marché.
- Rentabilité : Le résultat net a progressé de +5 % pour atteindre 21 milliards d'euros, générant un rendement des fonds propres (RoE) de 8,5 %.
3.2. Évaluation des Moteurs du Marché
Deux tendances majeures ont façonné la performance du secteur de l'assurance en 2024.
- Assurance‑Vie : Le marché a enregistré une collecte nette record de 22,8 milliards d'euros sur les contrats rachetables, un niveau inégalé depuis 2011. Cette performance exceptionnelle repose sur une double dynamique : une forte collecte positive sur les unités de compte (+25,5 milliards d'euros), stimulée par la bonne tenue des marchés financiers, et une réduction spectaculaire de la décollecte sur les fonds en euros (-2,7 milliards d'euros). Cette dernière s'explique directement par la hausse des taux de revalorisation, qui a restauré l'attractivité de ces supports.
- Assurance Non‑Vie : Le marché a connu une forte progression avec une hausse des primes en affaires directes de +6,8 %. Cette croissance du chiffre d'affaires, combinée à une augmentation plus modérée de la charge des sinistres, a permis une nette amélioration de la rentabilité technique. Le ratio combiné s'est ainsi établi à 96 %.
La performance robuste du secteur financier français ne se limite pas à ses frontières ; elle s'appuie de plus en plus sur une empreinte internationale croissante.
4. Focus Stratégique : L'Internationalisation
L'ouverture à l'international constitue un axe stratégique majeur et un puissant levier de croissance pour le secteur financier français. Cette expansion permet non seulement une diversification géographique des revenus, mais aussi une mutualisation des risques, renforçant ainsi la résilience globale des institutions.
- Banques : L'empreinte internationale est particulièrement marquée, avec 47,4 % des actifs et 50,6 % des passifs détenus sur des contreparties non‑résidentes. Stratégiquement, cette activité est principalement axée sur la banque de financement et d'investissement (BFI), bien que la banque de détail soit significative dans les pays frontaliers. Cette ouverture positionne le système bancaire français au quatrième rang mondial en termes d'actifs transfrontières.
- Assurances : L'expansion du secteur est largement dominée par l'assurance non‑vie. L'activité internationale représente désormais 6,7 % du total des primes brutes émises, démontrant une diversification ciblée des sources de revenus.
5. Conclusion
En 2024, le secteur financier français a démontré une santé robuste et une croissance stratégique. Naviguant avec succès dans un environnement économique et géopolitique complexe, les banques et les assurances ont consolidé leurs fondamentaux en matière de rentabilité et de solvabilité tout en renforçant leur présence internationale. Le rapport de l'ACPR dresse ainsi le portrait d'un secteur résilient et agile, tout en soulignant les points de vigilance à venir, notamment la surveillance continue du risque de crédit et l'adaptation aux nouvelles réglementations comme DORA.