TRACFIN LCB‑FT : ÉTAT DE LA MENACE 2024‑2025
Synthèse du Rapport Tracfin : Menaces BC‑FT dans les Secteurs Bancaire et de l'Assurance
Résumé Exécutif
Le rapport de Tracfin sur l'état de la menace en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC‑FT) identifie les banques et les compagnies d'assurances comme des déclarants essentiels et des acteurs centraux dans le dispositif de lutte [1, 3, 4].
Les compagnies d'assurances sont particulièrement bien positionnées pour détecter des schémas de fraude spécifiques, notamment la fraude fiscale liée à l'immatriculation de véhicules à l'étranger pour échapper à la TVA et au malus écologique, ainsi que les escroqueries aux prestations de santé [5, 13]. Le critère d'alerte principal pour la fraude automobile est la souscription d'une assurance pour un véhicule immatriculé à l'étranger par un résident français [10]. Les assureurs‑vie ont également des obligations de vigilance renforcées envers les Personnes Politiquement Exposées (PPE) [15].
Les établissements de crédit et de paiement sont la profession la plus fréquemment impliquée dans les 21 cas‑types analysés, soulignant leur rôle transversal dans la détection du BC‑FT [17]. La menace est jugée élevée pour les banques privées, dont la clientèle (PPE, patrimoines conséquents) est exposée à la corruption et à la fraude fiscale de grande ampleur, comme la sous‑évaluation du patrimoine pour réduire l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) [26]. Les banques de financement et d'investissement (BFI) sont, quant à elles, utilisées dans des schémas de blanchiment via le commerce international, où des crédits documentaires masquent des transferts de fonds illicites [30, 31]. Enfin, les établissements de paiement présentent un risque de BC‑FT élevé à très élevé, car leurs comptes, faciles à ouvrir, sont souvent utilisés comme "comptes de passage" pour des sociétés éphémères [35, 36].
En conclusion, le rapport souligne que ces institutions ne sont pas de simples cibles mais des piliers du dispositif LCB‑FT, dont la vigilance est cruciale pour contrer une criminalité financière complexe et évolutive.
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1. Le Rôle des Compagnies d'Assurances dans la Détection des Fraudes
Le rapport Tracfin (Tome III) met en évidence que les compagnies d'assurances, en tant que déclarants clés, sont particulièrement bien placées pour identifier certains types de fraudes complexes [1, 5]. Elles sont principalement concernées par deux schémas de fraude distincts et sont soumises à des obligations de vigilance spécifiques.
A. Fraude Fiscale via l'Immatriculation de Véhicules (Cas n° 2)
Ce schéma de fraude fiscale vise à contourner l'obligation d'immatriculer un véhicule neuf en France, permettant ainsi aux acheteurs français de se soustraire à la TVA et à la taxe sur les émissions de CO2 (malus écologique) [6, 7].
- Mécanisme de la fraude : Une société française souscrit des contrats d'assurance automobile pour des véhicules haut de gamme immatriculés dans un pays étranger à fiscalité avantageuse. Les assurés désignés sont cependant des tiers résidant en France [8, 9].
- Rôle et critère d'alerte : Les assureurs sont en première ligne pour détecter cette manœuvre. Le principal critère d'alerte identifié est la souscription d'un contrat d'assurance pour un véhicule immatriculé à l'étranger, dont l'assuré est un tiers résident français [10, 11, 12].
B. Fraude aux Prestations Sociales (Cas n° 11)
Les compagnies d'assurances, au même titre que les mutuelles et les institutions de prévoyance, sont identifiées comme des professions clés dans la détection des fraudes liées aux dispositifs de prise en charge de soins, tel que le dispositif « 100 % santé » pour les appareils auditifs [13, 14].
C. Obligations Spécifiques pour l'Assurance‑Vie
Les compagnies d'assurance‑vie sont tenues à des obligations de vigilance renforcées dans le cadre de leurs relations d'affaires avec des Personnes Politiquement Exposées (PPE) [15]. Ces obligations se traduisent par des exigences accrues en matière d'information sur la situation professionnelle, familiale, financière et patrimoniale de ces clients à haut risque [16].
2. L'Implication des Établissements Bancaires dans les Schémas de BC‑FT
Les établissements de crédit ou de paiement constituent la profession la plus fréquemment citée dans le rapport, apparaissant dans la quasi‑totalité des 21 cas‑types répertoriés, ce qui témoigne de leur position centrale dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme [17‑25].
A. Banques Privées et Gestion de Fortune (Cas n° 3)
Ce secteur présente un niveau de risque particulièrement élevé, l'Analyse Nationale des Risques (ANR) ayant coté la menace de blanchiment de capitaux comme élevée pour ces établissements [26].
- Profil de risque : La clientèle, souvent composée de Personnes Politiquement Exposées (PPE) ou de détenteurs de patrimoines importants, est particulièrement vulnérable aux menaces de corruption et de fraude fiscale à grande échelle [26].
- Schéma de fraude à l'IFI : Un cas‑type concerne la fraude à l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Des clients sous‑évaluent délibérément la valeur de leur patrimoine immobilier (par exemple, en se basant sur les prix d'achat anciens) afin de réduire l'assiette de l'IFI [27, 28].
- Critères d'alerte : Les signaux d'alarme incluent un montant d'IFI anormalement faible au vu du patrimoine immobilier connu, ou le refus du client de fournir des informations précises sur la composition réelle de ses actifs immobiliers [28, 29].
B. Banques de Financement et d'Investissement (BFI) (Cas n° 4)
Les activités de financement du commerce international, propres aux BFI, peuvent être détournées pour blanchir des capitaux en masquant le produit d'une infraction sous l'apparence d'une transaction commerciale légitime entre plusieurs pays [30].
- Schéma de blanchiment : Le cas‑type décrit un montage utilisant des sociétés‑écrans et un crédit documentaire. Ce mécanisme permet de transférer discrètement d'importantes sommes d'argent entre pays, sans qu'aucune livraison de marchandises n'ait lieu [31, 32].
- Intervention de Tracfin : Face à de telles opérations, Tracfin peut exercer son droit d'opposition, ce qui lui permet de reporter l'exécution de la transaction financière et de faciliter d'éventuelles saisies pénales [33, 34].
C. Établissements de Paiement et Monnaie Électronique
Ces acteurs sont également considérés comme très exposés aux risques de BC‑FT [35].
- Niveau de risque : Le risque est coté élevé pour les établissements de paiement et très élevé pour ceux spécialisés dans la transmission de fonds [35].
- Vulnérabilité principale : La facilité et la rapidité d'ouverture de comptes favorisent leur utilisation comme "comptes de passage". Ces comptes sont souvent liés à des sociétés éphémères et servent à blanchir rapidement des fonds avant d'être clôturés [36].
D. Implication Transversale dans la Détection
Au‑delà des cas spécifiques, les banques jouent un rôle transversal dans la détection de nombreux autres types d'infractions, notamment :
- Les flux financiers atypiques liés au trafic de stupéfiants, y compris les interactions avec des comptes écrous [37, 38].
- Les schémas d'escroquerie impliquant des cryptoactifs, souvent en collaboration avec les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) [39].
- Le détournement de fonds publics par le biais d'associations ou de montages complexes liés à la probité [40, 41, 42].
- Le blanchiment associé à des dépôts d'espèces suspects et à des opérations immobilières [12, 43].
- Les schémas de fraude fiscale complexes impliquant des holdings étrangères [44].
Conclusion
Comme le révèle l'analyse de Tracfin, les banques et les compagnies d'assurances sont bien plus que des intermédiaires financiers. Elles agissent comme des sentinelles du système, constituant un maillon fondamental de la lutte contre la criminalité financière. Leur vigilance quotidienne permet de déjouer des schémas complexes et de protéger l'intégrité de l'économie. Alors que la finance se numérise et que les fraudes deviennent de plus en plus sophistiquées,