L’ACPR et l’AMF présentent leur démarche conjointe pour accompagner les professionnels dans la prise en compte des préférences de durabilité des clients

Préférences de Durabilité (DDA/MiFID II) : Le Cadre de l'ACPR et l'AMF pour Maîtriser le Risque de Non‑Conformité

Introduction

Depuis août 2022, les règles intégrant les préférences de durabilité des clients dans le cadre des directives DDA et MiFID II sont applicables. Face aux défis d'implémentation, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) ont publié un document conjoint. Celui‑ci propose un guide pragmatique et alternatif visant à clarifier les exigences et à assurer la conformité réglementaire. Cet article, destiné aux gestionnaires des risques du secteur de l'assurance, analyse ce cadre pour vous fournir des leviers d'action concrets et maîtriser le risque de non‑conformité.

1. Le Constat des Régulateurs : Un Déploiement Hétérogène et des Risques de Non‑Conformité Élevés

L'analyse de marché des régulateurs dresse un tableau des risques de non‑conformité existants, mettant en lumière des défaillances systémiques que les gestionnaires de risques doivent impérativement adresser.

  • Une proportion significative de parcours de conseil observés ne sont pas conformes aux dispositions DDA/MiFID II.
  • Le déploiement des dispositifs a été tardif et hétérogène, freiné par des difficultés techniques et une appropriation insuffisante de la réglementation.
  • Les concepts liés à la durabilité restent difficiles à appréhender, tant pour les conseillers que pour les clients.
  • Les dispositifs mis en place pour recueillir les préférences sont souvent jugés complexes.
  • En moyenne, environ 95% des clients n'expriment pas de préférences de durabilité détaillées.
  • Des modalités de restitution du conseil ne permettant pas aux clients de comprendre pleinement les caractéristiques de durabilité des produits proposés.
  • Des lacunes dans l'actualisation des dispositifs de gouvernance et de surveillance des produits concernant leurs caractéristiques de durabilité.

Collectivement, ces constats signalent un risque opérationnel et de conformité majeur : un décalage entre les dispositifs en place et les exigences réglementaires, aggravé par une faible adoption client.

2. Le Principe Directeur : Prioriser l'Intérêt du Client et la Séquence du Conseil

L'évaluation de la conformité de vos dispositifs par les régulateurs repose avant tout sur le respect de l'intérêt supérieur du client. Deux règles opérationnelles fondamentales doivent guider votre approche.

Séquençage de l'évaluation : Les préférences en matière de durabilité doivent être abordées uniquement après avoir réalisé l'évaluation d'adéquation traditionnelle (connaissances, expérience, situation financière, et autres objectifs d'investissement).

Client "Neutre" : Si un client répond "non" ou ne répond pas à la question sur ses préférences de durabilité, il peut être considéré comme "neutre". Il est alors possible de lui proposer des produits avec ou sans caractéristiques de durabilité.

3. L'Approche Alternative : Simplifier le Recueil des Préférences de Manière Conforme

Pour les clients qui manifestent un intérêt pour l'investissement durable mais ne souhaitent pas définir de préférences détaillées, l'ACPR et l'AMF proposent une méthode alternative pragmatique basée sur des choix prédéfinis.

3.1. Les Conditions Clés d'un Dispositif Simplifié

La mise en œuvre d'un questionnaire simplifié avec des préférences prédéfinies est conditionnée au respect strict des exigences suivantes :

  • [x] Approche Neutre : Le distributeur ne doit pas orienter le client vers le questionnaire simplifié sans d'abord lui proposer de définir ses préférences détaillées.
  • [x] Préférences Pertinentes : Les options prédéfinies doivent être basées sur les critères DDA/MiFID II et inclure des proportions minimales d'investissement durable "suffisamment élevées" au regard de l'offre disponible.
  • [x] Transparence Totale : Le distributeur doit fournir des explications claires sur les critères et engagements, y compris quantitatifs, qui définissent les préférences prédéfinies.
  • [x] Gestion des Conflits d'Intérêts : Les risques de conflits d'intérêts liés à cette approche doivent être identifiés et gérés via une politique dédiée.
  • [x] Traçabilité : Le souhait du client de ne pas exprimer de préférences spécifiques et son choix final doivent être formalisés sur un support durable.
3.2. Exemple de Parcours Client Simplifié

Voici le déroulement d'un parcours client utilisant des préférences prédéfinies, tel que suggéré par les régulateurs :

  1. Question Initiale : Le distributeur interroge le client sur son souhait d'exprimer des préférences de durabilité, puis s'il souhaite le faire de manière détaillée selon les critères DDA/MiFID II.
  2. Proposition Alternative : Si le client ne souhaite pas détailler ses préférences, le distributeur peut lui proposer des choix prédéfinis, en précisant les critères constituant ces préférences conçus sur la base d'au moins un critère de durabilité MiFID II et DDA.
  3. Documentation du Choix : Le distributeur consigne par écrit l'absence de préférences spécifiques en matière de durabilité selon les critères définis dans MiFID II et DDA, ainsi que le choix du client.
  4. Conseil et Justification : Le distributeur conseille un produit cohérent avec les préférences prédéfinies choisies et explique clairement en quoi il y correspond.

4. La Gestion des Inadéquations : Le Processus d'Adaptation des Préférences

Pour gérer une inadéquation sans créer de risque de non‑conformité, il est impératif de suivre le processus d'adaptation suivant lorsqu'aucun produit de votre gamme ne correspond aux préférences détaillées initialement exprimées par un client.

  1. Informer le client qu'aucun produit ne correspond à ses préférences et lui notifier qu'il a la possibilité de les adapter.
  2. Présenter les options les plus proches uniquement après que le client a manifesté son intention d'adapter ses préférences, en expliquant précisément quels critères nécessitent une adaptation.
  3. Obtenir l'accord exprès du client sur l'adaptation proposée avant de formuler la préconisation.
  4. Documenter l'adaptation dans la formalisation du conseil, en expliquant pourquoi la recommandation finale ne respecte pas les préférences initiales.

5. Les Lignes Rouges : Pratiques à Proscrire pour Éviter le Risque de Sanction

Les régulateurs ont identifié plusieurs pratiques susceptibles de nuire aux intérêts des clients. Leur mise en œuvre expose votre organisation à un risque de sanction élevé.

Risque Systémique : Absence de Dispositif Effectif
  • Absence totale de questionnement sur les préférences de durabilité.
  • Un dispositif de recueil existant mais n'ayant aucune incidence réelle sur le conseil fourni.
Risque de "Greenwashing" : Communication d'Informations Trompeuses
  • Modalités de recueil imprécises ou choix de réponse peu ambitieux.
  • Formalisation inexacte des préférences exprimées par le client.
  • Omission ou communication d'informations inexactes sur le niveau de durabilité d'un produit.
  • Conseil insuffisamment étayé, ne permettant pas au client de comprendre les caractéristiques de durabilité du produit et dans quelle mesure ses préférences de durabilité sont respectées.
  • Une identification lacunaire des caractéristiques extra‑financières des produits financiers.
Risque Opérationnel : Mauvaise Prise en Compte des Préférences
  • Inviter le client à revoir ses préférences avant même d'avoir vérifié la disponibilité de produits correspondants.
  • Ne pas laisser au client la possibilité d'adapter librement ses préférences lorsqu'aucun produit ne correspond.
  • Ne pas prendre en compte l'ensemble des préférences multiples exprimées par un client sans avoir clairement averti celui‑ci de la prise en compte partielle de ses préférences au moment où il les exprime.

Conclusion

Pour le gestionnaire de risques, ces directives ne sont pas une simple mise à jour réglementaire, mais un cadre stratégique pour dé‑risquer le parcours de conseil en finance durable. L'adopter permet de transformer une obligation de conformité en un levier de maîtrise des risques opérationnels, de greenwashing et, in fine, réputationnels.