France Assureurs publie les chiffres clés 2024 de l’assurance et la finance durable

Plus forts que le "backlash" : 4 chiffres qui révèlent l'engagement écologique des assureurs français

Dans un climat souvent marqué par le pessimisme, voire un certain "backlash écologique", où le sentiment général est que les grandes entreprises n'agissent pas assez vite, certaines données viennent bousculer les idées reçues. Le rapport 2024 de France Assureurs sur la finance durable est l'une de ces sources inattendues. Loin des discours convenus, il révèle une dynamique de fond, chiffrée et concrète, qui mérite d'être soulignée. Cet article décrypte les 4 enseignements les plus marquants de ce rapport, qui dessinent un engagement bien plus profond qu'il n'y paraît.

1. Contre‑courant : Face au pessimisme ambiant, les investissements verts s'accélèrent.

Alors que le contexte international de 2024 a été marqué par un recul de certaines priorités environnementales, les assureurs français ont pris le chemin inverse. Le rapport révèle que leurs placements verts ont atteint le seuil de 200 milliards d'euros fin 2024. Il s'agit d'une hausse remarquable de 17,3 % sur une seule année. Cette progression est d'autant plus significative qu'elle survient alors que l'ensemble des actifs gérés par les assureurs n'a augmenté que de 0,4 % sur la même période, preuve irréfutable d'une réallocation stratégique des capitaux.

Le ratio le plus percutant du rapport met cette dynamique en perspective :

"Plus de 6 € sont investis dans des placements verts pour 1 € investi dans les énergies fossiles."

Ce chiffre démontre la maturité d'une stratégie de long terme. L'accélération des investissements verts, malgré un contexte mondial difficile, illustre un découplage courageux par rapport aux vents politiques contraires et une résilience face au pessimisme ambiant. Il ne s'agit plus d'une tendance conjoncturelle, mais d'une transformation structurelle des portefeuilles.

2. Plus que des mots : La rémunération des dirigeants est directement liée aux objectifs écologiques.

Face au scepticisme courant sur le "greenwashing", l'un des indicateurs les plus fiables de l'engagement réel est la manière dont la gouvernance intègre les objectifs de durabilité. Le rapport révèle un chiffre sans appel : 94 % des actifs sont gérés par des assureurs qui ont indexé la rémunération variable de leurs dirigeants sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Pour renforcer ce point, le rapport indique que 100 % des assureurs du panel disposent d'une politique d'investissement responsable formelle, validée au plus haut niveau de l'entreprise.

Cette approche déplace la durabilité de sa fonction périphérique de "responsabilité sociale d'entreprise" vers le statut de levier stratégique essentiel, gravé dans la structure d'incitation de ceux qui ont le plus de pouvoir pour initier le changement. C'est la réponse ultime aux accusations de greenwashing : l'alignement de l'intérêt financier personnel avec la santé de la planète.

3. Au‑delà du carbone : La biodiversité devient la nouvelle frontière de la finance durable.

Si le grand public associe souvent la finance verte à la seule réduction des émissions de CO2, un enjeu tout aussi crucial émerge dans les stratégies des investisseurs les plus matures : la biodiversité. Le rapport montre que les assureurs français sont déjà très avancés sur ce sujet complexe, anticipant les prochaines exigences réglementaires et sociétales.

Les statistiques sont surprenantes par leur ampleur :

  • 98 % des actifs gérés le sont par des assureurs qui analysent les impacts et les dépendances de leurs investissements vis‑à‑vis de la biodiversité.
  • 88 % des actifs gérés le sont par des assureurs qui vont encore plus loin en calculant une "empreinte biodiversité" de leur portefeuille.

Cette prise en compte rapide et quasi‑généralisée d'un sujet aussi technique démontre une maturité impressionnante du secteur. Elle prouve que les assureurs ne se contentent pas de suivre les tendances, mais qu'ils agissent en leaders pour anticiper et intégrer les prochains défis environnementaux majeurs dans leur gestion des risques et leurs stratégies d'investissement.

4. Une sortie programmée : Le désengagement des énergies fossiles est systématique, à commencer par le charbon.

Le rapport confirme que la sortie des énergies fossiles est une réalité tangible et méthodique. Le succès le plus net concerne le désengagement du charbon, dont l'exposition est désormais "proche de 0 %" (0,9 milliard d'euros). L'engagement est clair : les assureurs représentant 98 % des actifs gérés prévoient une sortie totale du charbon d'ici 2040 dans le monde.

Pour le pétrole et le gaz, l'approche est plus nuancée mais tout aussi systématique. Plutôt qu'une sortie générale, les assureurs appliquent des politiques d'exclusion ciblées sur les activités les plus dommageables, à savoir les hydrocarbures non conventionnels. Deux exemples illustrent cette approche chirurgicale : les politiques d'exclusion couvrent les sables bitumineux et le pétrole/gaz de schiste pour 99 % des actifs gérés.

Cette stratégie témoigne d'une démarche sérieuse et pragmatique. Une exclusion chirurgicale des activités les plus néfastes sur le plan climatique est bien plus efficace que des annonces générales aux effets limités. Cela démontre une compréhension sophistiquée de la transition énergétique, axée sur la réduction des pires pratiques en premier lieu pour un impact maximal.

Conclusion

De l'accélération des investissements verts à contre‑courant du pessimisme mondial à l'intégration des objectifs écologiques dans la rémunération des dirigeants, en passant par un leadership pionnier sur la biodiversité et une sortie méthodique des énergies fossiles les plus nocives, le rapport 2024 dresse le portrait d'un secteur en pleine mutation systémique.

Alors que le débat public oscille souvent entre anxiété climatique et cynisme, ces données témoignent d'une évolution profonde. La vraie question n'est peut‑être plus de savoir si la finance peut changer, mais à quelle vitesse elle peut entraîner le reste de l'économie dans son sillage.